Amiens : ce matin, je traverse ou je prends la rocade?

Ce matin, j’ai choisi la traversée. Et me voilà ralenti dans le flot de voitures. Pourtant, habitant et travaillant à des points opposés de l’agglomération, j’aurais pu emprunter la rocade [1]. Ajouter 10km à mon parcours, ou risquer le retard.

Amiens Métropole encourage l’usage de la rocade, notamment via son Plan de Déplacements Urbains (PDU). L’objectif vraisemblable est l’apaisement du trafic urbain dont découlent:

  • une qualité de vie améliorée en ville (calme, moindre pollution directe),
  • un usage facilité de modes de déplacements doux (vélo, transports collectifs).

Afin que l’apaisement de trafic en ville n’induise pas un retour des voitures, les aménagements récents des grandes villes favorisent ces modes de déplacements doux par des aménagements dédiés, tandis qu’une pression dissuasive est maintenue sur le trafic automobile. La logique: les automobilistes ne doivent pas espérer d’accalmie.

Le PDU donne deux chiffres qui aident à comprendre la suite:

  • à Amiens, 60% du trafic routier sur les boulevards intérieurs concernent des véhicules en transit, concernés par l’incitation à utiliser la rocade,
  • le PDU ambitionne sur 13 ans un report modal de l’ordre de 4% entre voiture et modes de déplacement doux.

J’en viens à mon propos. Encourager l’utilisation de la rocade vise-t-il à réduire les émissions de CO2? Non. L’effet est même inverse, car l’utilisation de la rocade induit nécessairement un allongement des distances parcourues [2]. De manière globale, le gain apporté par le report modal espéré sera marginal face au volume des déplacements de transit que l’on veut éloigner. Or, l’atténuation du changement climatique devrait être un objectif essentiel des politiques de transport.

Malheureusement, les communications Amiénoises ont souvent le tort d’associer plus ou moins directement les efforts de réduction du trafic de voitures en ville (certes peu avoués aux électeurs motorisés) à des mesures prises en faveur du climat. Si le report modal y contribue bien, la promotion de la rocade a en revanche l’effet inverse.

Qu’en conclure? À défaut d’autres solutions individuelles immédiates à l’usage de la voiture, éviter la rocade peut constituer le moindre mal en termes d’émissions de CO2.

Mais, en tout état de cause, les vraies solutions pour le transport sont ailleurs, collectives, de long terme.

Mes préférées parmi d’autres:

  • Éviter (interdire?) les déplacements motorisés pour des activités qui peuvent se faire à distance grâce aux moyens de communication modernes.

    La pandémie de Covid aura contribué à montrer où le télétravail est possible. Reste à convaincre / inciter / obliger les employeurs. Aux politiques de s’y atteler.
  • Autoriser le développement de véhicules légers, intermédiaires entre la voiture et le vélo [3].

    Pour l’heure, des normes hyper carrées de sécurité obligent les véhicules thermiques à être lourds donc énergivores, et au contraire les vélos motorisés à être archi bridés et donc peu utilisables sur des trajets longs.

    Faute d’imaginer des moyens de transport alternatifs, par le formatage actuel imposé par ces normes, on cherche vainement une réponse parmi les solutions connues: “Par quoi remplacer la voiture? Le vélo? Trop contraignant. Les transports collectifs? pas assez développés. Bon, alors je ne vois pas.
  • Intensifier le développement des énergies renouvelables, afin de donner un sens aux motorisations décarbonées.

    En effet, promouvoir l’électrique ou l’hydrogène, qui ne sont pas des sources d’énergie mais de simples vecteurs, ne rime à rien si la source d’énergie n’est pas assumée. En l’occurrence, viser la fin des énergies fossiles, qui représentent 3/4 des sources d’énergies utilisées aujourd’hui, sans mettre le paquet sur le renouvelable, c’est soutenir le développement du nucléaire.

Bel avenir à tous!


[1] Notons l’absence de transports collectifs et d’offres de covoiturage adaptés jusqu’à mon lieu de travail, et un temps de trajet vélo relativement dissuasif d’une heure et demie.

[2] C’est la distance supplémentaire et non pas la vitesse plus élevée qui induit des émissions supplémentaires de CO2, comme l’indique notamment l’annexe 2 de ce document de l’ADEME.

[3] Lire par exemple:

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