À Rivery, le projet d’aménagement du Coeur de Ville est présenté en réunion publique ce 27 mars 2019, par l’aménageur et l’architecte retenus par le Conseil Municipal.
Hésitant à intervenir en public mais convaincu de la nécessité de faire chacun sa part pour répondre aux enjeux environnementaux actuels et à venir, j’ai émis quelques observations que j’ai ensuite développées dans ce courrier adressé au Conseil Municipal.
Chères élues, chers élus du Conseil Municipal de Rivery,
Vous nous avez donné ce 27 mars 2019 l’opportunité de nous exprimer sur le projet d’aménagement du coeur de ville, et je vous en remercie.
L’expression en public n’étant pas toujours facile, et le temps imparti étant restreint, je me permets de rappeler et de compléter ici mes observations sur le projet.
1. Pas d’âne
La fermeture du haut du parc par des escaliers et « pas d’âne » sera gênante pour la traversée des poussettes (et autres PMR).
Ce type d’aménagement est d’ailleurs interdit dans le Guide de l’accessibilité des équipements recevant du public, édité par le CAUE de la Somme, en page 22, téléchargeable ici : www.caue80.fr/doc2014/caue80_MDPH_guide_accessibilite_equipement.pdf
2. Imperméabilisation
Vous nous avez indiqué que le cahier des charges du projet prévoit de limiter l’imperméabilisation des sols.
Dans le PADD du PLU, vous aviez aussi souligné cette nécessité de «limiter les surfaces imperméabilisées […] quand cela est possible»
Et c’est ici possible :
• pour les surfaces dédiées au stationnement, qui peuvent être constituées d’enherbements renforcés (1),
• le «bassin fontaine» pourrait être remplacé par un espace végétalisé
3. Toitures
M. Capron (adjoint à l’urbanisme) annonce dans le dernier bulletin municipal que «afin d’assurer la transition écologique, protéger notre planète, plus de 30 m2 de cellules photovoltaïques seront mises en place» sur le toit de l’école. Je partage l’ambition et salue cette première réalisation.
L’accès à la propriété semble compliquer l’exploitation des 1600 m2 de toitures du projet, espace inutilisé, pour les végétaliser ou pour y installer de nouveaux panneaux photovoltaïques. Dommage.
4. Biodiversité
Outre M. Capron, Pierre-Yves Dorez, porte-parole du Conseil Municipal sur les questions environnementales, plaide pour «un environnement […] qui favorise la biodiversité locale» (bulletin municipal de juillet-août 2018), assure que «Rivery s’engage dans la trame verte et bleue», et soutient que «chaque habitant de Rivery […] peut contribuer à préserver et restaurer la biodiversité» (bulletin municipal de mars-avril 2015).
Claude Roussel, poète du Conseil Municipal, demande de ne pas rester spectateur «médusé» des déséquilibres de notre planète, mais à être, chacun, acteur des solutions à apporter (bulletin municipal de novembre-décembre 2018).
Amiens Métropole, via les conférences «rendez-vous planète», souligne la nécessité d’une végétalisation ambitieuse de nos aménagements urbains (Ville et changement climatique, cerdd, 18 décembre 2018).
À l’inverse, l’architecte du projet vante son caractère «minéral», prétextant une meilleure visibilité, notant au mieux que la plupart des arbres existants seront conservés.
La municipalité applique déjà ces appels et engagements ailleurs sur son territoire, par petites touches (soutien à la fête des jardiniers et au musée des hortillonnages, toiture végétalisée de la maison pour tous, plantation des terre-pleins…). Pourquoi ne pas le faire, plus ici qu’ailleurs, sur ce projet central de la commune ?
Nous pourrions :
• végétaliser les toitures (1) et (2),
• végétaliser les façades (clématites, lierre… (1))
• laisser des espaces de flore sauvage aux abords (2),
• enherber les surfaces des stationnements (1),
• aménager une mare (3), en remplacement de la fontaine (espace imperméabilisé, pompes électriques et eau chlorée donneront à la ville l’image d’un parfait contresens en matière d’énergie et de biodiversité)
5. Identité communale
Archétude souligne sur son site internet, comme enjeu pour le projet : «Rivery s’est constituée une identité autour des hortillonnages pourtant peu perceptibles car le tissu urbain tourne aujourd’hui le dos à cette forte entité paysagère. De même, Rivery se constitue de «poumons» verts disséminés au sein d’un tissu traditionnel. »
Dans le PADD que vous avez voté, vous soulignez l’importance de «consolider l’identité paysagère du territoire».
Alors comment faire référence aux hortillonnages et aux poumons verts qui fondent l’identité communale, qu’Archétude identifie comme enjeu central pour le projet? S’il est nécessaire d’y répondre, ici plus qu’ailleurs sur le territoire, c’est que nous somme dans notre cœur de ville, qui sera la vitrine de notre commune.
L’architecture contemporaine proposée pour les bâtiments du projet ne me gêne pas, bien qu’il soit aberrant de la part de l’architecte d’évoquer la «tradition constructive locale». De manière plus générale, l’identité communale ne se traduit nulle part dans ce projet, hormis par la préservation a minima de l’allée d’arbres du parc municipal.
• Outre une végétalisation ambitieuse des aménagements, l’installation d’une grande mare, centrale, comme dans beaucoup des villages alentour, et que l’on trouve aussi au cœur des villes les plus modernes (3), serait une référence pertinente à nos hortillonnages et à nos jardins.
La vue dégagée vers Amiens depuis des bâtiments qui atteignent la hauteur maximale autorisée par le PLU est un argument commercial avancé par le promoteur à destination de ses acheteurs, mais devient une injustice pour les 3500 autres Riverains qui n’en bénéficieront pas.
• Vous pourriez envisager d’acquérir l’un des locaux commerciaux mis en vente, pour le proposer en location, mais surtout avoir la main pour aménager un accès à la toiture afin d’offrir à tous un point de vue privilégié vers Amiens et les hortillonnages, qui soit partagé par tous et non seulement au bénéfice des acquéreurs.
6. Conclusion
Mon insistance auprès de vous, chers élus, vient en réponse à vos appels à faire chacun sa part face aux enjeux planétaires actuels de l’énergie, de la biodiversité, mais aussi du besoin de sens porté par nos aménagements.
Vous pouvez encore compléter le projet pour l’adapter à ces enjeux que vous exprimez, par les voix de Monsieur Capron, Pierre-Yves Dorez, et Monsieur Roussel notamment.
Pensez bien que cet aménagement en cœur de ville affichera mieux qu’ailleurs, pendant des décennies, ce que fut la portée de vos ambitions.
David Bonduelle
à Rivery le 29 mars 2019
Quelques références :
(1) : Guide «biodiversité positive», synthèse d’un projet de recherche sur le thème bâti et biodiversité par des aménageurs, en particulier ses fiches pratiques : http://www.biodiversite-positive.fr/moa/conception/
(2) : Guide «Biodiversité et bâti», édité par le CAUE38 et la LPO : https://www.biodiversiteetbati.fr
(3) : Exemple de mare en ville : http://www.pariscotejardin.fr/2010/10/la-mare-de-la-cite-prost-paris-11e-une-poche-d-eau-et-de-biodiversite/
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Note : le texte en vert ne fait pas partie du courrier mais le complète pour le préciser.
Complément 1: Recherche de légitimité
Je suis un simple administré, non élu ni mandaté de quelque fonction. Alors, après plusieurs jours sans réponse ni accusé de réception, ma légitimité et le poids de ma demande m’ont semblé bien frêles. Or, le poids de nos convictions suffit rarement pour qu’elles soient entendues.
Que faire de plus? Un projet d’aménagement public + des enjeux d’énergie et de biodiversité = ? Voilà une bonne raison de consulter ma députée dans le cadre de ses permanence hebdomadaires, pour lui demander d’émettre son propre avis. Quelques jours plus tard, notre maire répondait à Mme Pompili, aussi spécialiste nationale des enjeux environnementaux, que mes demandes seraient abordées avec l’aménageur.
Complément 2: Quelques considérations sur le SCOT :
Pour mémoire, dans ma contribution à l’enquête publique du PLU de Rivery, j’avais rappelé plusieurs prescriptions et recommandations du Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO) du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) du Grand Amiénois, consultable et téléchargeable ici, en matière de biodiversité et d’identité du territoire.
Voici notamment copie de la Prescription 2.2 « Promouvoir la nature dans le projet urbain », de la Fiche Objectif G « Préserver et valoriser les richesses naturelles et la biodiversité ».
Le SCOT n’est-il pas présenté comme document de référence essentiel en matière d’urbanisme?
Le souci pour le projet, c’est qu’un PLU doit juste être globalement compatible avec le SCOT (il respecte « l’esprit du SCOT »), et que le projet doit juste être compatible avec les règles minimales retenues dans le PLU.
Du coup, le SCOT et ses préconisations pourtant précieuses sont oubliés en cours de route. Ou comment prêcher dans le désert.
Le souci à échelle plus large, c’est que miser sur les SCOT pour faire passer des souhaits d’aménagements vertueux des territoires, comme l’annoncent peut-être trop les décideurs publics, c’est se tromper de cible.
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