Pas fait pour les chiens

« Super, mon grand, tu tiens bien la poussette. Viens plutôt du côté des maisons pour ne pas être trop près de la rue. Alors c’était bien cette promenade dans le parc, mes zoubidous? On revien… »
Quand brusquement: « Grr ouarf! ouarf! ouarf! »
Et voilà mon garçon de 3 ans et demi, précipité au milieu de la route, hurlant de panique aux aboiements de ce chien montrant ses crocs de l’autre côté de la clôture.

Aucune voiture ne passait à ce moment-là.

C’était il y a 2 semaines, et cela m’incite à clarifier ici ma position sur les chiens, et sur les animaux domestiques en général.

La suite de la scène, d’abord, pour être complet et honnête avec tout le monde. Après avoir crié pour que mon garçon s’arrête et revienne sur le trottoir, où je devais retenir la poussette de sa soeur pour qu’elle ne dévale pas la pente, très remonté et ne voyant personne à proximité du chien pour l’arrêter d’aboyer, j’ai lâché un « connards » destiné à ces propriétaires absents laissant leur chien causer ce qui aurait pu être fatal à mon enfant. J’ai soulevé mon garçon de mon bras droit pour le porter et, poussant ma fille de la main gauche, j’ai filé pour nous éloigner du chien. Une dizaine de mètres plus loin, je me retourne, vois un homme s’approcher du chien dans la propriété. Je crie, accusateur: « Monsieur, vous ne laissez pas votre chien aboyer sur les passant! Si mon garçon était passé sous une voiture, vous auriez été responsables! Vous tenez votre chien, monsieur, vous en êtes responsable! ». Par quelques mots que je n’ai pas entendus, l’homme a contesté, ou s’est excusé je ne sais pas, et nous avons poursuivi notre route en expliquant la situation et que, même si on a très peur de quelque chose, il ne faut pas courir sur la route sans regarder.

Pour poser les choses, j’ai toujours eu une dent contre les chiens. À l’origine probablement, des aboiements agressifs subis moi-même comme beaucoup d’autres enfants.

Aujourd’hui, je fais des exceptions à ce rejet. Dans Crocs-blancs – c’est un loup mais bref – ça occupe bien le mec d’avoir cette compagnie. Sylvain Tesson, dans sa cabane sibérienne, il serait bien seul et ferait moins le malin s’il n’avait pas ses chiens. Plus localement, je conçois bien que des chiens aident à protéger des gens vulnérables par leur solitude sociale ou leur isolement géographique, disons des personnes âgées, des corps de ferme ou des maisons de la campagne profonde. Qu’ils constituent des prothèses remarquables pour les mal voyants. Qu’ils sont la passion d’éleveurs et de dresseurs, et de conducteurs de traîneaux. Qu’ils aident à la chasse. Si on chasse. Et qu’ils assistent les agents de sécurité.

Pour le reste, je n’aime pas les chiens. Toutefois, mes griefs à leur encontre se heurtent à plusieurs ambiguïtés des discours actuels, où puiseraient mes contradicteurs même si je disais le contraire ou si je parlais de choucroute. Bref, sujets sensibles, mais qu’il faut bien aborder si on veut pouvoir discuter.

• Espèce humaine, animaux domestiques et animaux sauvages

Spécisme? Domination de l’homme sur la nature? Distinction entre espèces domestiques et espèces sauvages? Bon alors déjà, il faut se placer là-dedans, et accepter peut-être que d’autres se placeront autrement.

J’adhère à l’idée que l’homme se place à part de la nature. Et que, plus il se place « au-dessus » de la nature, plus il a sa responsabilité dans sa protection. Je digresse pour souligner que notre « supériorité » nous faisant prendre conscience que la viande n’est pas nécessaire à notre alimentation, c’est précisément par cette place à part que nous pourrions le plus légitimement justifier un régime végétarien ou « vegan », et non en nous présentant au contraire, comme on l’entend parfois, comme l’équivalent de n’importe quel autre animal.

Je constate en outre qu’un animal domestique n’a pas de place dans un écosystème naturel. En conséquence, si l’utilité d’un animal domestique (compagnie, source de nourriture, etc.) ne « compense » pas ses nuisances (consommation de ressources, rejets polluants, gêne), alors ils n’ont peut-être simplement pas lieu d’être.

Je précise. Dans un écosystème, les ressources et les rejets des animaux s’équilibrent dans des cycles permanents. Il en va tout autrement pour un animal domestique, isolé des écosystèmes. Produire une croquette, la mettre en sac, produire le sac, mettre en boîte une pâtée, produire la boîte, élever ou faire pousser ce que contient la croquette ou la pâtée, les transporter, puis jeter ou recycler ces contenants, sont autant d’étapes consommatrices d’énergie et de ressources, et sources potentielles de pollutions. Viennent ensuite les déchets animaux. Poubelle? Dans ce cas rebelote consommation d’énergie et, selon les filières de gestion des déchets, encombrement de décharges, pollution. Jardin, caniveau? Dans ces cas pollution des eaux souterraines, des cours d’eau ou autres désagréments.

« Oui, mais c’est pareil pour les humains » me diront les possesseurs. Oui. D’où, l’humain se place-t-il à part? Oui. L’animal domestique n’est qu’une des conséquences de l’homme. Et les solutions liées aux conséquences environnementales des hommes sont déjà assez délicates à mettre en oeuvre, pour qu’on puisse se permettre innocemment d’accentuer ses nuisances par le biais des animaux domestiques. Ayons conscience de notre responsabilité et agissons en conséquence.

• Symptôme d’une humanité défaillante

Ce qui me chagrine le plus, avec les chiens, c’est lorsqu’ils sont acquis pour combler des défaillances sociales.

On leur porte une affection qu’on ne peut plus porter pleinement à nos proches, à nos voisins, aux inconnus. Ils renforcent notre bulle intime qui nous conforte dans notre éloignement des autres, et dans nos difficultés à tisser des liens d’humanité avec les autres.

On les laisse aboyer sur les passants, dans l’espace public, depuis nos clôtures. Et l’on profite que cela soit toléré pour laisser faire et en abuser. Et l’on n’assume pas la responsabilité des nuisances générées. Juste pour comparer, accepteriez-vous que j’installe un détecteur de mouvement déclenchant un son agressif et soudain au passage des piétons devant chez moi? Bien-sûr que non. Il s’agit d’une agression. Et pour un chien, je ne vois pas en quoi cela pourrait être davantage admis. Le possesseur d’un animal est responsable des dommages qu’il cause. Il n’y a pas que moi qui le dit, il y a aussi le code civil. Depuis plus de deux siècles. Donc oui, aboyer sur un passant est une agression et oui, le propriétaire en est responsable.

« Ceux qui n’aiment pas les animaux n’aiment pas les hommes », citent certains convaincus comme un proverbe universel. Vous saurez comment hérisser mon poil. Je lui préfère la formule « si vous aimez les animaux, n’en ayez pas » d’un journaliste animalier de ma jeunesse. Expression peu reprise mais bien adaptée, dans beaucoup de cas.

Une réflexion sur « Pas fait pour les chiens »

  1. nikobond

    David, il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, mais je crois que si tout le monde y met du sien, on peut vivre avec des animaux domestiques, on peut les « accepter » à défaut de les aimer, on peut être vegan sans emm. les bouchers, et défendre ses opinions sans pourrir la vie de ceux qui ne sont pas du même avis que soi ! Mais il faut, effectivement, que tout le monde y mette du sien !

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